Le tournage sur bois en vacances, et à deux
Comme beaucoup d’entre vous, je profite de mes vacances pour m’adonner à du tournage sur bois plaisir. Beaucoup d’entre nous ont avec notre activité professionnelle peu de temps à dédier à des pièces nécessitant plus de temps. Aussi, lorsque mon père Marcel De Roover accepte de venir passer du temps dans l’atelier le rendez-vous est rapidement pris. Cerise sur le gâteau, il apporte un morceau de noyer bien sec pour tourner un saladier. Nous sommes toujours loin des capacités du tour à bois Jet JWL-2442M de notre atelier, mais nous pourrons tout de même le chatouiller un peu. Plutôt que de faire du copeau chacun dans son coin, la décision est prise de voir et revoir différentes techniques peu employées lorsque l’on travaille des pièces de dimensions plus réduites. Je crains que pour Marcel ce fut la pièce la plus longue réalisée depuis un bon bout de temps. Tous les points possibles furent discutés, expliqués ou corrigés si besoin. Préparation du bois, fixation sur le tour à bois, outils employés (ou non), vitesse de rotation, etc furent l’objet d’analyse et parfois d’essais. En effet, comment comparer des techniques si vous n’en essayez pas d’autres ? Ce coup si c’est sûr, le racloir droit à plat employé sur l’extérieur c’est pas pour nous. Oui, je voulais absolument tester cette technique après une comparaison du raclage à la gouge à creuser ou avec un racloir spécifiquement affuté. Fallait trancher, c’est fait.
Le projet prend forme
Une multitude de photos et vidéos sont venus documenter le tournage. Trop pour vous les partager tous, bien qu’ils ont d’après moi une grande valeur pédagogique. Je vais essayer de partager avec vous les points forts sortis de ces heures de tournage. Il est difficile de retranscrire l’intégralité des sujets abordés, mais en prenant comme fil conducteur le tournage du saladier, je devrais m’en approcher. Donc, le morceau de départ est une ébauche en noyer. La préparation faite à la tronçonneuse demande une reprise à la scie à ruban. Si cette dernière n’avait pas eu les capacités pour rectifier une pièce de cette taille, nous aurions nettoyé une zone à l’aide d’un ciseau à bois. La coupe faite ici n’a pas fait gagner beaucoup de temps et n’a pas équilibré la pièce. Attention avec une pièce sur champ. Vous voyez la cale employé pour empêcher que l’effort de coupe fasse rouler le bois. Dès que possible une cale est aussi installée côté utilisateur. Petite précision sur la sécurité. Nous aurions pu mieux faire, mais le strict minimum est observé. Pas visible sur les images, le filtre anti-poussière au plafond a tourné continuellement, limitant les particules en suspens. Lorsque des situations plus poussiéreuses avaient lieu, le masque fait aussi son apparition. Le travail à la scie à ruban fait partie des machines créant beaucoup de poussière, et l’aspirateur ne protège que la machine. Personnellement j’ai abandonné le port de lunettes de protection pour une visière. Déjà cela protège mieux le visage, mais la visière évite aussi de recevoir des copeaux dans la bouche. Parler et tourner du bois en même temps, c’est possible !
Le bois préparé, premier sujet de discussion : le montage sur le tour.
Au vu du poids la queue de cochon est exclue d’office et avec cette préparation, l’anneau lapidaire et le plateau à vis le sont aussi. Oui, le plateau est parfait pour monter une pièce lourde sur le tour. Surtout que vous pouvez toujours venir en soutien avec la contre-pointe. Mais il faut que votre bois soit régulier et que les deux faces soient parallèles. Un disque tiré d’un plateau de scierie, pas de soucis. Notre préparation à la tronçonneuse aurait fait perdre trop de hauteur. Installé entre-pointes, nous avons dû modifier le positionnement de la contre-pointe afin d’obtenir un meilleur équilibrage. Il ne faut pas hésiter de perdre un peu de temps lors de l’installation. La griffe est entrée en force dans le bois. La sortie de l’arbre de la poupée mobile ne requiert du coup pas de force.
Le choix de la vitesse de rotation.
Le Jet JWL-2442-M fait partie des tours à bois « extra-lourds » avec des plages de vitesses adaptés au tournage de pièces très lourdes et / ou déséquilibrées. Pour tester la plage de vitesse sélectionné est celle allant de 0 à 910 trs/min. Avec un moteur de 2,2 KW (3cv), nous n’allons pas manquer de couple. Aussi, même si notre bout de noyer pèse un poids respectable, il est loin des capacités d’entrainement de la machine. Nous allons néanmoins rester à des vitesses de rotation inférieures à 800 trs/min.
Positionné entre-pointes, temps de dégrossir l’extérieur de la pièce.
Pas trop de choix avec une surface aussi peu régulière. Il faudra racler à l’aide d’une gouge à creuser en partant aussi près que possible de la contre-pointe et en tirant l’outil vers soi. Le raclage sera effectué à hauteur de l’axe ou légèrement au-dessus. Même avec un tour à bois de cette capacité la vitesse de rotation employée est de 485 trs/min. Une vitesse plus élevée rendrait la coupe encore plus difficile. La gouge à creuser de 13mm aurait été bien pour cet usage, mais une de nos 9mm était mieux affutée pour ce travail. La dimension approximative de la prise de mandrin est rapidement indiquée afin de prendre connaissance de la forme éventuelle de la pièce. Aussi, lorsque la surface située vers le tourneur est régulière il faudra débuter les gestes permettant d’obtenir un extérieur courbé. Ce geste est plus aisé à décrire qu’à réaliser. Il faut changer le geste du raclage en tirant vers soi en un geste de poussée vers le bord supérieur. Pour les formations les deux gestes sont généralement dissociées afin de simplifier l’apprentissage. Pourtant mon père en a profité pour me remontrer comment réaliser la transition de l’un vers l’autre sans interrompre la coupe. Cela demande un peu d’entrainement mais c’est tout à fait réalisable pour un tourneur avec un peu d’expérience. Lorsque vous désirez changer, arrêter le mouvement de votre main gauche, et poussez avec la droite. La main gauche devient un point pivot essentiel dans le choix de la quantité de bois vous allez enlever par la suite. Il ne faut surtout pas hésiter ou interrompre le mouvement ! La réalisation de la surface extérieure a laissé le temps de ré-observer les différents états de surface obtenus en fonction de la coupe réalisée. J’ai poussé la gouge en talonnant vers le pied et puis vers le bord extérieur. Bien que nous avons rapidement vu les différences, en fonction de la facilité pour corriger une courbe je me laisserai tout de même tenter avec une gouge parfaitement affutée. Nous ne sommes réellement intéressés que par ce que sera la partie supérieure du saladier car la prise du mandrin sera enlevée sur un plateau de reprise.
Passons au creusage.
Le creusage en bois de fil est un travail très agréable dans un bois comme ce noyer. Les copeaux se déroulent aisément quel que soit la marque de gouge sélectionné. En effet, dans notre atelier certaines gouges à creuser sont en U assez large avec d’autres un profil beaucoup plus serré. Parfois ce passage plus étroit gêne à l’évacuation des copeaux lors de passes importantes, mais je n’ai rien remarqué de particulier en passant d’une gouge à l’autre. Pour le creusage nous avons affutés deux gouges à creuser de 9mm avec des angles différents afin de toujours talonner et une gouge de 13mm. Un racloir extra-lourd permettra de finir le creusage tout en améliorant la finition. Ici, une gouge à creuser de 9mm aurait pu suffire à creuser cette pièce, mais nous sommes toujours dans la comparaison. Les outils employés sont aussi toujours équipés de leur manche d’origine. A ce sujet, les manches des racloirs vont être remplacés par des versions plus longues. Ces outils ayant tout de même quelques années je vais devoir vérifier s’ils sont toujours fournis avec le même manche. Le but est de évider au plus vite le saladier, et bien sûr d’obtenir la meilleure finition possible. Il serait plus clair d’observer les gestes et les techniques sur notre vidéo YouTube. En effet, au vu des outils employés il est à priori difficile de tester d’autres techniques. De plus dans du bois de fil avec une forme ouverte il n’y à pas d’intérêt d’employer d’outils avec des limiteurs de passe.
Finalisation de la forme extérieure
Le creusage terminé, et la pièce toujours bien positionnée sur le mandrin, il est temps de se concentrer à la forme extérieure. En effet, lors du dégrossissage nous nous étions contentés d’une forme approximative. Proche de la courbe finale afin de servir de base de la forme creusé tout de même. Toujours à la gouge à creuser la forme sera obtenue en poussant vers la prise de mandrin. Au vu de la prise de mandrin il est bien sûr dangereux de s’approcher de trop. La surface finie sera poncée et huilée avant le remontage sur le plateau à reprise.
Quid de la prise de mandrin
Il existe plusieurs méthodes de maintien permettant de retenir une pièce afin de reprendre la prise de mandrin. Le tour à bois Jet employé est par exemple équipé d’un mandrin à aspiration. Pour rester simple nous avons opté pour un mandrin dont les mâchoires sont remplacées par un plateau de reprise. La forme de la pièce demande un maintien en extension.
Il est impératif de baisser la vitesse de rotation, et d’effectuer des passes en douceur. L’outil choisi est soit une gouge à creuser, soit une à profiler. Optez pour l’outil que vous manipulez avec le plus d’aisance. Le pied est enlevé et la surface à peine creusée pour la stabilité.
La finition
Tous les ponçages ont été effectués avec de la toile abrasive avec des grains allant de 120 à 240 et tenus à la main. Je pense que nous aurions pu accélérer cette opération en utilisant un tampon avec des disques velcro dans notre ponceuse. Mais le bruit additionnel et une plus grande difficulté à aspirer la poussière font que cette possibilité a été rejetée. Je préfère ne pas entrer dans une discussion quant aux produits « alimentaires ». Je vous invite à vous référer à la règlementation sur un des sites officiels et de suivre leurs recommandations. Prenez garde surtout si votre production n’est pas pour un usage personnel. Dans notre cas le saladier restera bien dans la famille, j’ai donc opté pour une finition huilée.
Conclusion
Je ne puis nier le plaisir pris durant le tournage de ce saladier. Au-delà du plaisir pris au tournage même, comparer des techniques et des outils a été très plaisant. Nous sommes tous dans la majorité des cas isolés dans notre atelier. Nous y prenons beaucoup de plaisir bien sûr. Pourtant, une journée de partage autour d’un projet commun apporte une grande satisfaction. Comparez vos outils affûtages, techniques et astuces. Tout le monde partira enrichi par l’expérience.